Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/348

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maine n’approche peut-être, dans aucun pays, du terme auquel la nature lui permet d’atteindre, et on peut regarder cette durée moyenne comme une échelle propre à mesurer avec assez d’exactitude le degré de force des qualités physiques, intellectuelles ou morales. Dans un climat semblable, elle pourrait encore servir à juger de la bonté des lois. Mais lorsqu’on voit que dans un pays, sur un nombre donné d’hommes nés dans un même jour, il en subsiste encore la moitié après quarante ans, tandis que dans un autre, avant la fin de la troisième, ou même de la seconde année, déjà plus de la moitié a cessé de vivre, et que dans le reste, le même point se trouve placé à des hauteurs inégales entre ces deux extrêmes ; lorsqu’il est évident que ces différences ne peuvent avoir pour cause unique ni celles du climat, ni celles du gouvernement ; lorsqu’on observe que c’est surtout à la moralité de l’enfance qu’il faut les attribuer, on ne peut s’empêcher de voir combien le perfectionnement de l’éducation physique peut avoir d’influence sur la durée de la vie, et que pour l’accroissement de la population, il importe moins de multiplier les hommes que de savoir les conserver. Ce changement, si important dans son effet général, ne le serait pas moins pour la prospérité particulière ; les enfants qui vivent sont une richesse pour les familles pauvres ; ceux qui meurent après avoir langui quelques années en sont la ruine. Pour l’homme à qui son éducation a donné une constitution saine le travail est un patrimoine ; il n’est, pour l’individu languissant et maladif, qu’une