Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/374

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rects d’instruire ou d’influer sur l’instruction proprement dite : il existe aussi des moyens indirects d’instruction, ou plutôt d’institution qu’on ne doit point négliger, mais dont il ne faut pas abuser, dont il serait aussi peu philosophique de nier que d’exagérer l’importance ; dont enfin, puisque leur action existerait indépendamment de la puissance publique il est bon qu’elle puisse s’emparer pour les empêcher de contrarier ses vues : je veux parier des spectacles et des fêtes.

On peut user de ces moyens pour rappeler fortement des époques sur lesquelles il est utile de fixer l’attention des peuples, pour nourrir en eux, pour y exciter jusqu’à l’enthousiasme les sentiments généreux de la liberté, de l’indépendance, du dévouement à la patrie ; enfin, pour graver dans les esprits un petit nombre de ces principes qui forment la morale des nations et la politique des hommes libres. Ceux qui ont pu observer depuis un demi-siècle les progrès de l’opinion, ont vu quelle a été sur elle l’influence des tragédies de Voltaire ; combien cette foule de maximes philosophiques, répandues dans ses pièces, ou exprimées par des tableaux pathétiques et terribles, ont contribué à dégager l’esprit de la jeunesse des fers d’une éducation servile, à faire penser ceux que la mode dévouait à la frivolité ; combien elles ont donné d’idées philosophiques aux hommes les plus éloignés d’être philosophes. Ainsi, l’on a pu dire, pour la première fois, qu’une nation avait appris à penser, et les Français, longtemps endormis sous le joug d’un double despotisme, ont