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sur l’esclavage des Negres

V.

De l’injustice de l’eſclavage des Negres, conſidérée par rapport au légiſlateur.


Tout légiſlateur, tout membre particulier d’un corps légiſlatif, eſt aſſujetti aux loix de la morale naturelle. Une loi injuſte qui bleſſe le droit des hommes, ſoit nationaux, ſoit étrangers, eſt un crime commis par le légiſlateur, où dont ceux des membres du corps légiſlatif qui ont ſouſcrit à cette loi, ſont tous complices. Tolerer une loi injuſte, lorſqu’on peut la détruire, eſt auſſi un crime ; mais ici la morale n’exige rien des légiſlateurs au-delà de ce qu’elle preſcrit aux particuliers, lorſqu’elle leur impoſe le devoir de reparer une injuſtice. Ce devoir eſt abſolu en lui-même, mais il eſt des circonſtances où la morale exige ſeulement la volonté de le remplir, & laiſſe à la prudence le choix des moyens & du tems. Ainſi dans la réparation d’une injuſtice, le légiſlateur peut avoir égard aux intérêts de celui qui a ſouffert de