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Réflexions

Si un homme doit à la perte de ſes droits l’aſſurance de pourvoir à ſes besoins, ſi en lui rendant ſes droits, on l’expoſe à manquer du néceſſaire, alors l’humanité exige que le légiſlateur concilie la ſureté de cet homme avec ſes droits. C’eſt ce qui a lieu dans l’eſclavage des noirs comme dans celui de la glebe.

Dans le premier, la caſe des Negres, leurs meubles, les proviſions pour leur nourriture appartiennent au maître. En leur rendant bruſquement la liberté, on les réduiroit à la miſere.

De même, dans l’eſclavage de la glebe, le cultivateur dont le champ, dont la maiſon appartient au maître, pourroit ſe trouver, par un changement trop bruſque, libre, mais ruiné.

Ainſi, dans de pareilles circonſtances, ne pas rendre ſur le champ à des hommes l’exercice de leurs droits, ce n’eſt ni violer ces droits, ni continuer à en protéger les violateurs, c’eſt ſeulement mettre dans la maniere de détruire les abus la prudence néceſſaire, pour que la juſtice qu’on rend à un malheureux devienne plus ſûrement pour lui un moyen de bonheur.