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sur l’esclavage des Negres

dépeuplent les habitations ; & lorſqu’on proſtitue les Negreſſes pour leur voler enſuite ce qu’elles ont gagné ; lorſqu’on les oblige, à force de traitemens barbares, de ſe livrer, ſoit à leur maître, ſoit à ſes valets ; lorſqu’on fait déchirer devant elles les Noirs qu’on les ſoupçonne de préférer à leurs tyrans ; lorſque l’avarice ſurcharge les Negres de travail & de coups, ou leur refuſe le néceſſaire ; lorſqu’ils voient leurs camarades, tantôt mis à la queſtion, tantôt brûlés dans des fours, pour cacher les traces de ces aſſaſſinats, alors ils déſertent, ils s’empoiſonnent, leurs femmes ſe font avorter, & l’habitation ne peut ſe soutenir qu’en tirant d’Afrique de nouvelles victimes. Il eſt ſi peu vrai que la population des Negres ne puiſſe ſe ſoutenir par elle-même, qu’on voit la race des Negres marons ſe ſoutenir dans les forêts, au milieu des rochers, quoique leurs maîtres s’amuſent à les chaſſer comme des bêtes fauves, & qu’on ſe vante d’avoir aſſaſſiné un Negre maron, comme en Europe on tire vanité d’avoir tué par derriere un daim ou un chevreuil.

Si les Negres étoient libres, ils fourni-