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Réflexions

fers de leurs Negres, ſe ſouillent d’un nouveau crime. Je réponds qu’Ariſtide, Epaminondas, Caton le jeune & Marc Aurele avoient des eſclaves. Quiconque a réfléchi ſur l’hiſtoire de la morale, n’a pu s’empêcher de remarquer que l’honnêteté ne conſiſte, dans chaque nation, qu’à ne pas faire, même en étant ſûr du ſecret, ce qui ſeroit déshonorant s’il étoit connu du public. Qu’une action criminelle par elle-même, ne ſoit pas déshonorante dans l’opinion, on la commet ſans remords. Cette morale, dont on porte la ſanction dans le cœur, & dont la raiſon éclairée dicte les maximes, cette véritable morale de la nature n’a jamais été, chez aucun peuple, que le partage de quelques hommes.

Les Européens, propriétaires des colonies, ſont à plaindre d’être conduits par une fauſſe conscience, & d’autant plus à plaindre qu’elle auroit dû être ébranlée par les reclamations des défenſeurs de l’humanité, & que ſur-tout ce n’eſt pas contre leurs intérêts, mais pour leur avantage que cette fauſſe conſcience les fait agir[1].

  1. Voyez mon Sermon ſur la fauſſe conſcience, imprimé à Yverdon en 1773.
    Les préjugés ſur l’eſclavage des Negres ſont en-