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Réflexions

Anglois & des François très-humains, mais ils vivoient en Europe, & leur humanité étoit

    à des loix générales & rigoureuſes, comme celles qui gouvernent le ſyſtème du monde.

    Il ne cherchoit point, comme les anciens légiſlateurs, à dénaturer l’homme pour le rendre plus grand, mais il vouloit le rendre heureux & ſage en lui apprenant à écouter la raiſon, à connoître, à aimer la juſtice, à ſuivre la nature. Si ſes idées, ſi ſes vues périſſent avec lui, le genre humain, qui n’a jamais fait de perte plus grande, n’en aura jamais fait de plus irréparable.

    Dans un miniſtere très-court, on l’a vu aſſurer la ſubſiſtance du peuple, en rendant la liberté au commerce des grains, rétablir les poſſeſſeurs de terres dans leurs droits de propriété, en leur rendant celui de diſpoſer librement des productions de leur ſol ; & reſtituer en même tems aux hommes qui vivent de leur travail, la libre diſpoſition de leurs bras, de leur induſtrie, eſpece de propriété non moins ſacrée, dont l’établiſſement des corps de métier & leurs règlemens les avoient privés. Il a détruit la ſervitude des corvées, ſervitude qui place le peuple dans un état pire que celui des bêtes de ſomme, puiſqu’après tout on nourrit l’animal qu’on force au travail. Toutes ces loix, qui auroient ſuffi pour illuſtrer un miniſtere de vingt ans, ont été l’ouvrage de vingt mois, & ce n’étoit que les premiers traits