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Réflexions

Les maîtres reſſemblent à ces ſouverains dont le cœur eſt bon, mais au nom de qui on brûle,

    que beaucoup d’autres, mais plus ridicule & plus honteuſe. Il ne croyoit pas que l’amour de la gloire méritât d’être le mobile des actions d’un homme de bien, tant que les hommes ne ſeroient pas aſſez éclairés pour n’honorer de cette recompenſe que ce qui eſt vraiment utile.

    Jamais homme n’a reçu une ame, à la fois, plus calme & plus ſenſible, n’a réuni plus de force à plus de bonté, plus d’indulgence pour les autres à plus de ſévérité pour lui-même, plus d’empire ſur ſes paſſions à plus de franchiſe, plus de prudence ou de reſerve à une haine plus forte contre tout ce qui avoit l’apparence de la fauſſeté & de la diſſimulation. Il avoit ſacrifié l’eſpérance d’une fortune immenſe à ſon reſpect pour la vérité, ſa ſanté & ſes goûts au deſir de ſervir l’humanité, enfin ſa place, ſa gloire même, du moins pendant ſa vie, & juſqu’à l’eſpérance de faire le bien, à la ſérénité de ſes principes.

    Juſte envers ſes ennemis, mais ſans prétendre à être généreux, il ne ſe croyoit point permis de faire grace à un méchant ou de le ménager, parce qu’il avoit à ſ’en plaindre. Toute eſpece d’exagération, d’oſtentation, étoit étrangere à ſon caractere, il avoit ces défauts en horreur, parce qu’il croyoit y voir plus de fauſſeté encore que d’orgueil. Perſonne