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où depuis cette époque, des lois dictées tour-à-tour par le parti du sénat et par celui du peuple, se succédoient avec rapidité, étoient sans cesse détruites ou confirmées, corrigées ou aggravées par des dispositions nouvelles, bientôt leur multiplicité, leur complication, leur obscurité, suite nécessaire du changement de la langue, firent une science à part de l’étude et de l’intelligence de ces lois. Le sénat, profitant du respect du peuple pour les anciennes institutions, sentit bientôt que le privilége d’interpréter les lois, devenoit presque équivalent au droit d’en faire de nouvelles ; et il se remplit de jurisconsultes. Leur puissance survécut à celle du sénat même : elle s’accrut sous les empereurs ; parce qu’elle est d’autant plus grande, que la législation est plus bizarre et plus incertaine.

La jurisprudence est donc la seule science nouvelle que nous devions aux Romains. Nous en tracerons l’histoire, qui se lie à celle des progrès que la science de la législation a faits chez les modernes, et sur-tout à celle des obstacles qu’elle y a rencontrés.