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Ici, nous sommes obligés de partager le tableau en deux parties distinctes : la première embrassera l’Occident, où la décadence fut plus rapide et plus absolue, mais où le jour de la raison devoit reparoître pour ne s’éteindre jamais : et la seconde, l’Orient, pour qui cette décadence fut plus lente, long temps moins entière, mais qui ne voit pas encore le moment où la raison pourra l’éclairer et briser ses chaînes.

À peine la piété chrétienne eut-elle abattu l’autel de la victoire, que l’Occident devint la proie des barbares. Ils embrassèrent la religion nouvelle, mais ils ne prirent point la langue des vaincus : les prêtres seuls la conservèrent ; et grâce à leur ignorance, à leur mépris pour les lettres humaines, on vit disparoître ce qu’on auroit pu espérer de la lecture de livres latins, puisque ces livres ne pouvoient plus être lus que par eux.

On connoît assez l’ignorance et les mœurs barbares des vainqueurs : cependant, c’est du milieu de cette férocité stupide que sortit la destruction de l’esclavage domestique,