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mens et les mœurs devoient nécessairement amener.

Ce changement a été le germe d’une révolution dans les destinées de l’espèce humaine ; elle lui doit d’avoir pu connoître la véritable liberté. Mais il n’eut d’abord qu’une influence presque insensible sur le sort des individus. On se feroit une fausse idée de la servitude chez les anciens, si on la comparoit à celle de nos noirs. Les Spartiates, les grands de Rome, les satrapes de l’Orient, furent à la vérité des maîtres barbares. L’avarice déployoit toute sa cruauté dans les travaux des mines ; mais presque par-tout, l’intérêt avoit adouci l’esclavage dans les familles particulières. L’impunité des violences commises contre le serf de la glèbe étoit plus grande encore, puisque la loi elle-même en avoit fixé le prix. La dépendance étoit presque égale, sans être compensée par autant de soins et de secours. L’humiliation étoit moins continue ; mais l’orgueil avoit plus d’arrogance. L’esclave étoit un homme condamné par le hasard, à un état auquel le sort de la guerre pouvoit un jour exposer son maître. Le serf étoit