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plus de douceur, de décence et d’élévation. Mais ce changement, borné aux cours et aux châteaux, n’atteignit pas la masse du peuple. Il en résultoit un peu plus d’égalité entre les nobles, moins de perfidie et de cruauté dans leurs relations entr’eux ; mais leur mépris pour le peuple, la violence de leur tyrannie, l’audace de leur brigandage, restèrent les mêmes ; et les nations, également opprimées, furent également ignorantes, barbares et corrompues.

Cette galanterie poétique et militaire, cette chevalerie, dues en grande partie aux Arabes, dont la générosité naturelle résista long-temps en Espagne à la superstition et au despotisme, furent sans doute utiles : elles répandirent des germes d’humanité, qui ne devoient fructifier que dans des temps plus heureux ; et ce fut le caractère général de cette époque, d’avoir disposé l’esprit humain pour la révolution, que la découverte de l’imprimerie devoit amener, et d’avoir préparé la terre, que les âges suivans devoient couvrir d’une moisson si riche et si abondante.