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crées à l’instruction morale du peuple ou à celle de la jeunesse dans la philosophie et dans les sciences, seroient-elles condamnées à ne transmettre jamais qu’une doctrine favorable au maintien de cette double tyrannie : l’imprimerie peut encore répandre une lumière indépendante et pure. Cette instruction, que chaque homme peut recevoir par les livres dans le silence et la solitude, ne peut être universellement corrompue : il suffit qu’il existe un coin de terre libre, où la presse puisse en charger ses feuilles. Comment, dans cette multitude de livres divers, d’exemplaires d’un même livre, de réimpressions, qui, en quelques instans le multiplient de nouveau, pourra-t-on fermer assez exactement toutes les portes par lesquelles la vérité cherche à s’introduire ? Ce qui étoit difficile, même lorsqu’il ne s’agissoit que de détruire quelques exemplaires d’un manuscrit pour l’anéantir sans retour, lorsqu’il suffisoit de proscrire une vérité, une opinion, pendant quelques années, pour la dévouer à un éternel oubli, n’est-il pas devenu impossible, aujourd’hui qu’il faudroit employer une vigilance sans cesse renouvelée, une acti-