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Il exista donc une science du droit des gens : mais malheureusement on chercha ces lois des nations, non dans la raison et la nature, seules autorités que les peuples indépendans puissent reconnoître, mais dans les usages établis ou dans les opinions des anciens. On s’occupa moins des droits de l’humanité, de la justice envers les individus, que de l’ambition, de l’orgueil ou de l’avidité des gouvernemens.

C’est ainsi qu’à cette même époque, on ne voit point les moralistes interroger le cœur de l’homme, analyser ses facultés et ses sentimens, pour y découvrir sa nature, l’origine, la règle et la sanction de ses devoirs. Mais ils savent employer toute la subtilité de la scolastique à trouver, pour les actions dont la légitimité paroît incertaine, la limite précise où l’innocence finit et où le péché commence ; à déterminer quelle autorité a le poids nécessaire pour justifier dans la pratique une de ces actions douteuses ; à classer méthodiquement les péchés, tantôt par genres et par espèces, tantôt suivant leur gravité respective ; à bien distinguer sur-tout ceux dont un