Page:Condorcet Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain.djvu/24

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peut surprendre l’homme le plus éclairé, jusqu’aux rêves de la démence, n’appartiennent pas moins que la méthode de raisonner juste ou celle de découvrir la vérité, à la théorie du développement de nos facultés individuelles : et, par la même raison, la manière dont les erreurs générales s’introduisent parmi les peuples, s’y propagent, s’y transmettent, s’y perpétuent, fait partie du tableau historique des progrès de l’esprit humain. Comme les vérités qui le perfectionnent et qui l’éclairent, elles sont la suite nécessaire de son activité, de cette disproportion toujours existante entre ce qu’il connoît, ce qu’il a le désir et ce qu’il croit avoir le besoin de connoître.

On peut même observer que, d’après les lois générales du développement de nos facultés, certains préjugés ont dû naître à chaque époque de nos progrès, mais pour étendre bien au-delà leur séduction ou leur empire ; parce que les hommes conservent encore les erreurs de leur enfance, celles de leur pays et de leur siècle, long-temps après avoir reconnu toutes les vérités nécessaires pour les détruire.