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d’hommes dépositaires des principes des sciences ou des procédés des arts, des mystères ou des cérémonies de la religion, des pratiques de la superstition, souvent même des secrets de la législation et de la politique. J’entends cette séparation de l’espèce humaine en deux portions ; l’une destinée à enseigner, l’autre faite pour croire ; l’une cachant orgueilleusement ce qu’elle se vante de savoir, l’autre recevant avec respect ce qu’on daigne lui révéler ; l’une voulant s’élever au-dessus de la raison, et l’autre renonçant humblement à la sienne, et se rabaissant au-dessous de l’humanité, en reconnoissant dans d’autres hommes des prérogatives supérieures à leur commune nature.

Cette distinction, dont, à la fin du XVIIIe siècle, nos prêtres nous offrent encore les restes, se trouve chez les sauvages les moins civilisés, qui ont déjà leurs charlatans et leurs sorciers. Elle est trop générale, on la rencontre trop constamment à toutes les époques de la civilisation, pour qu’elle n’ait pas un fondement dans la nature même : aussi trouverons-nous