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d’anciens écrivains disent que le savant fils du roi prophète, d’une imagination si brillante, avait écrit un de ses livres les plus curieux, n’est autre chose que le double Yoni, c’est-à-dire l’Yoni lui-même dans sa représentation dualisée, qui est l’expression la plus élevée de l’idée de la divinité chez les Indiens. Si nous montrons ainsi les phallolâtres faisant usage de l’Yoni, il ne serait pas surprenant que le culte de ce symbole se trouvât relié au phallus chez les habitants de Marajó, exactement comme dans l’Inde.

Toute la valeur d’un fait de cet ordre consisterait uniquement à pouvoir vérifier si c’est d’une façon consciente, ou mieux, si c’est par transmission ou non de la part de peuples aliénigiènes, que nos mound-builders ont pratiqué le culte de la phallolâtrie.

Mais atteindre un semblable desideratum ne serait rien moins qu’élucider un des points les plus obscurs et les plus intéressants de l’histoire primitive des nations américaines.

Or la trame de cette histoire est si compliquée qu’aucun fait ne peut nous apparaître avec le caractère de l’authenticité, qu’il ne nous arrive aussitôt une preuve contraire tout aussi authentique, s’opposant à toute déduction possible.

On dirait que pour chaque témoignage en apparence irréfutable, on peut trouver un argument contraire plus irréfutable encore, au point que plus nous nous efforçons de lever le voile des premiers âges de l’ethnogénie américaine, plus l’heure de la découverte paraît s’éloigner.

Tel est et tel devait être la définition exacte du véritable état de l’ethnologie américaine, jusqu’à ce que de nouveaux documents vinssent nous donner un peu de lumière pour dissiper d’aussi épaisses ténèbres.

Je vous ai signalé de nombreuses ressemblances entre les traces laissées par les premiers amazoniens et les nations leurs contemporaines dans l’univers. Cependant, il faut le dire, aucune preuve incontestable ne vient démontrer l’origine commune des races qui ont peuplé primitivement les deux continents.

On vient d’annoncer que l’on a récemment exhumé à Rio Grande do Sul, d’une urne funéraire, deux perles en apparence phéniciennes, en tout semblables à celles qui ont été trouvées aux États-Unis. Morlet et Nilson, en ce pays et von Koseritz, à Rio Grande, affirment que ces objets sont des preuves absolues de la présence des hardis navigateurs phéniciens sur le sol américain. Pour moi je n’hésite pas à croire que ces perles sont de fabrication européenne. Il est vrai que sur les rivages de la Méditerranée ou sur ceux de l’Atlantique, partout où s’établirent des colonies phéniciennes, on trouve les perles caractéristiques de cette industrieuse nation, ou du moins des perles qui ont une plus ou moins grande ressemblance avec celles qui provenaient de Tyr ou de Sidon. Toutefois, Messieurs, ne nous faisons pas d’illusions. Les premier voyageurs ou conquérants qui vinrent sur le trace de Colomb dans les deux Amériques, et ceux qui se dirigeaient vers les mers de l’Inde savaient tous que les sauvages de ces deux régions, qu’ils croyaient alors appartenir au même continent, tenaient en haute estime tout ornement de verre polychrôme, produit d’une industrie qui avait fait d’immenses progrès dans le midi de l’Europe, et tout particulièrement à Venise. Or, rien n’est plus probable que l’introduction en Amérique de quelques unes de ces énormes et voyantes perles de modèle phénicien avec d’autres ornements de verre : c’étaient des moyens de séduction employés par les catéchistes ou des objets d’échange pour les négociants.

J’ai pu réunir sur les objets de poterie de Marajó, que possède le Muséum, un grand nombre de caractères symboliques, sculptés ou gravés, lesquels comparés avec beaucoup de types figuratifs ou idéographiques du Mexique, de la Chine, de l’Égypte ou de l’Inde, se montrent plus ou moins