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est certain que dans celle qui ne fera que lever le bras et tenir un javelot, on ne verra point dans ce bras une aussi forte apparence de nerfs, comme s’il étoit occupé à pousser ou à tirer quelque chose avec effort.

M. le Brun fit encore remarquer l’admirable conduite de Raphaël dans les couleurs de son tableau. Pour mieux représenter dans cet ange un corps qui convienne à un esprit agissant et bienheureux, il semble ne s’être servi que de trois couleurs qui font paroître de l’action, et qui tiennent de la lumière et de l’air ; car on voit que dans ses ailes, dans ses draperies, et même dans la carnation le rouge, le jaune et le blanc y dominent davantage.

Il fit voir aussi comme la partie d’en haut de cet ange est plus éclairée que celle d’en bas, parce que celle d’en haut n’est environnée que de l’air, et celle d’en bas est opposée à la terre et à des morceaux de rochers assez obscurs qui lui servent de fond.

C’est pourquoi le démon qui est abattu sur ces rochers tient beaucoup de leur teinte ; et ce qui est merveilleux dans cette figure est, que ce qui paroît le plus difforme dans toutes les parties de son corps ne laisse pas de faire une grande beauté dans la composition de ce tableau.

M. le Brun observa encore comme une chose très importante et digne d’être bien remarquée, que le démon semble écrasé, de telle manière qu’à bien considérer l’état et la disposition en laquelle il est, on le voit comme accablé sous un fardeau d’une pesanteur extraordinaire. Cependant saint Michel qui est le seul poids qui l’abat ne lui touche pas seulement du bout du pied de sorte qu’il faut entrer dans la pensée du peintre, pour trouver que la cause d’un si terrible accablement vient de la puissance divine, laquelle, agissant d’une manière invisible et toute spirituelle, paroît et montre ses effets sur les corps qui peuvent être vus.

Comme M. le Brun eut fini ces remarques et répondu à quelques questions peu importantes qui furent encore faites sur cet ouvrage, la compagnie proposa à M. Bourdon, comme l’un des anciens recteurs, de prendre un sujet pour le premier samedi du mois prochain. Mais il s’en excusa sur des raisons qui obligèrent l’Académie à l’en dispenser. En même temps