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lard qui regarde cette action, et ce jeune homme qui le prend par les bras servent de part et d’autre à soutenir ce groupe, lui donnent une grande étendue dans le tableau, et font fuir les autres figures qui sont derrière.

Car s’il n’y avoit que la femme qui donne la mamelle, sa mère et son enfant qui composassent ce groupe, et que, n’ayant pas pour supports ces autres figures, elles fussent seules opposées à celles de Moise, et aux autres qui sont encore plus loin, il est évident que ce groupe demeureroit trop sec et trop maigre, et que tout l’ouvrage paroîtroit composé de trop de petites parties.

Il en est de même de la femme qui tourne le dos : on voit qu’elle est soutenue d’un côté par le jeune homme qui tient une corbeille, par celui qui est à genoux ; et de l’autre côté par ces deux figures qui ramassent la manne, par cet homme qui en goûte, et par cette jeune fille qui tend sa robe.

Quant à la lumière, il fit observer de quelle sorte elle se répand confusément sur tous les objets. Et pour montrer que cette action se passe de grand matin, on voit encore quelque reste de vapeurs dans le bas des montagnes et sur la surface de la terre qui la rend un peu obscure, et qui fait que les objets éloignés ne sont pas si apparents. Cela sert à faire paroître davantage les figures qui sont sur le devant, sur lesquelles on voit frapper certains éclats de la lumière qui sort par des ouvertures de nuées que le peintre a faites exprès pour autoriser les jours particuliers qu’il distribue en divers endroits de son ouvrage.

L’on reconnoît même qu’il a affecté de tenir l’air plus sombre du côté où tombe la manne ; et de ce côté-là où l’air est plus obscur, les figures y sont plus éclairées que de l’autre côté où l’air est plus serein ; ce qu’il a fait pour les varier toutes, aussi bien dans les effets de la lumière que dans leurs actions, et pour donner une plus agréable diversité de jours et d’ombres à son tableau.

Après avoir fait ces remarques sur la disposition de tout l’ouvrage, il examina ce qui regarde le dessin, et fit voir combien M. Poussin a été savant et exact dans cette partie. Il montra comme les contours de la figure de ce vieillard qui est debout sont grands et bien dessinés : que toutes les extrémités