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les puissances qui servent au sens de la vue pour mieux voir ce qu’il ne peut trop estimer.

Il n’en est pas de même des autres parties de son corps, les esprits qui les abandonnent font qu’elles demeurent sans mouvement : sa bouche est fermée, comme s’il craignoit qu’il lui échappât quelque chose de ce qu’il a conçu, et aussi parce qu’il ne trouve pas de parole pour exprimer la beauté de cette action. Et, comme dans ce moment le passage de respiration se trouve fermé, cela rend les parties de l’estomac plus élevées qu’à l’ordinaire, ce qui paroît dans quelques muscles qui sont découverts.

Cet homme semble même se retirer un peu en arrière, pour marquer la surprise que cette rencontre imprévue cause dans son esprit, et pour faire voir le respect qu’il a en même temps pour la vertu de cette femme qui donne sa mamelle.

Il montra pourquoi cette même femme ne regarde pas sa mère pendant qu’elle lui rend ce charitable secours, mais qu’elle se penche du côté de son enfant. Il dit que le désir qu’elle avoit de les secourir tous deux lui fait faire une action de double mère. D’un côté elle voit dans une extrême défaillance celle qui lui a donné le jour, et de l’autre celui qu’elle a mis au monde lui demande une nourriture qui lui appartient et qu’elle lui dérobe en la donnant à une autre. Ainsi le devoir et la piété la pressent également. C’est pourquoi dans le moment qu’elle ôte le lait à son enfant, elle lui donne des larmes, et par ses paroles et par ses caresses elle tâche de l’apaiser. Comme cet enfant a de la crainte pour toutes les deux, et qu’il n’est pas ému de jalousie comme si c’étoit un autre enfant de son âge qu’on lui préférât, on voit qu’il se contente de témoigner sa douleur par des plaintes et qu’il ne s’emporte point avec excès pour avoir ce qu’on lui ôte.

L’action de cette vieille femme qui embrasse sa fille et qui lui met la main sur l’épaule, est bien une action des vieilles gens qui embrassent avec force ce qu’ils tiennent, craignant toujours qu’il ne leur échappe, et qui marque aussi l’amour et la reconnoissance de cette mère envers sa fille.

Le malade qui se lève à demi pour les regarder sert encore à les faire remarquer. Il est si surpris qu’il oublie son mal pour voir ce qui se passe car, comme la chaleur natu-