Page:Conférences de l'Académie royale de peinture et de sculpture.pdf/169

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

proportion que les anciens sculpteurs grecs et romains ont gardée dans toutes leurs statues comme la plus parfaite. Qu’il la croyoit voir aussi dans les apôtres, quoique leurs habits larges et amples les fassent paroître un peu plus courts, ce qui est même assez convenable à leur naissance et à leur condition rustique.

Qu’une des plus belles figures de ce tableau est à son avis celle du dernier aveugle. Que sa proportion semble avoir été prise sur cette belle statue antique du Gladiateur blessé que l’on voit à Rome dans le palais Farnèse. Car, bien qu’il y ait quelque chose dans les membres de cette statue qui n’approche pas de la beauté ni de la délicatesse de quelques autres qui sont encore plus recommandables, toutes les parties néanmoins en sont si justes et si bien marquées, que parmi les savants elles ont toujours été en très grande estime.

Que dans l’autre aveugle, il y voit quelque chose des mesures de l’Apollon antique, mais véritablement un peu moins de grâce et de noblesse, parce que le peintre en a augmenté les largeurs et les grosseurs pour mieux marquer la bassesse de celui qu’il a voulu peindre.

Qu’il apercevoit aussi quelque ressemblance de la Vénus de Médicis dans cette femme qui se retourne. Mais que n’ayant pas assez de temps pour examiner plus particulièrement toutes les proportions de ces figures, il prioit seulement qu’on remarquât bien les vêtements qui les cachent, puisqu’ils sont si beaux et si bien mis qu’on peut en faire une étude très utile. Que l’apôtre qui est sur le devant, et qui a un manteau jaune, est fait dans la même intention et sur les maximes de Raphaël, qui vêtoit d’ordinaire ses premières figures d’habits amples et grands, laissant les petits morceaux et les draperies les plus légères pour celles qui sont éloignées ; observations très importantes aux jeunes étudiants.

Quant à l’expression, bien qu’elle soit admirable dans toutes les figures, M. Bourdon dit qu’il ne s’arrêteroit qu’à celle du Christ, parce qu’elle étoit si merveilleuse qu’il n’en pouvoit détourner ses yeux pour considérer les autres.

Qu’on ne pouvoit assez admirer cette grandeur, cette noblesse et cette majesté toute divine que le peintre a si bien représentées. Qu’on y découvre cette autorité avec laquelle