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Jésus-Christ agissoit lorsqu’il faisoit ses miracles. Que sa puissance paroît dans son port et dans son action, et qu’enfin l’on apercevoit sur son visage une bonté et une douceur qui ne charment pas moins l’esprit que les yeux.

Il fit remarquer comment les apôtres sont attentifs à regarder ce qui se passe, comment les aveugles expriment bien tous deux la grandeur de leur foi, par la conformité de leurs actions, et comment encore ce vieillard vêtu de rouge et celui qui se baisse font voir par leurs gestes l’étonnement où ils se trouvent et le désir que cette nation incrédule avoit de voir des miracles.

Les couleurs dont le Christ est vêtu ne sont pas des couleurs que le peintre ait employées et mises les unes auprès des autres sans un grand raisonnement. Comme le jaune et le blanc participent le plus de la lumière, M. Bourdon fit connoître que c’est pour cela que M. Poussin en a fait la robe du Christ, parce que ce sont des couleurs douces auprès de la carnation, et qui pourtant sont des plus vives et des plus apparentes. Son manteau qui est de pourpre relève beaucoup l’éclat de sa robe, et s’unit tendrement avec elle ; car cette couleur composée de rouge et de bleu tient de la lumière et de l’air. Ainsi ces habits étant de couleurs très lumineuses et toutes célestes, ils conviennent parfaitement à celui qui les porte, comme le plus digne et le principal objet de tout le tableau.

Quoique le manteau jaune du premier apôtre soit très vif, il ne détruit point néanmoins la couleur de celui du Christ, mais il s’accorde parfaitement avec elle et encore avec les draperies bleues et rouges des deux autres disciples.

Il fit voir que M. Poussin a éteint et sali en quelque sorte la couleur de laque dont il a vêtu les aveugles, afin que ces habits moins éclatants et plus conformes à leur condition fissent paroître davantage les autres.

Aussi c’est de cette disposition de couleurs que s’engendre cette merveilleuse harmonie qui fait la beauté de ce tableau, et M. Bourdon montra comment le peintre y a si bien réussi, que toutes les figures s’unissent tendrement avec les corps qui leur servent de fond, comme il fit voir, dans l’apôtre vêtu de bleu et dans la femme qui a une robe verte, dont les draperies se joignent avec beaucoup de douceur contre les arbres et les