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tenir dans l’éclat ou nous la voyons, et veut bien l’honorer de sa présence et jeter les yeux sur la conduite qu’elle tient. De tous les soins qu’elle apporte pour rendre aujourd’hui son art aussi florissant en France qu’il l’étoit autrefois en Grèce et en Italie, un des plus louables et des plus utiles est celui de faire une fois le mois des conférences publiques et des dissertations, tantôt sur un tableau, tantôt sur une statue, ou sur les plus belles questions qui y conviennent. M. le Brun, chancelier de la compagnie et modérateur de ces savantes critiques, a toujours pris soin d’en bannir la chicane, l’aigreur et l’obscurité, de sorte qu’elles ont entretenu l’émulation parmi les académiciens et rapporté beaucoup de fruit aux élèves et de satisfaction aux curieux. Mais aujourd’hui elle veut porter ses soins plus avant et se propose de tirer un résultat de chaque conférence, et d’établir, sur les matières qu’on y agitera, des maximes essentielles qui serviront de préceptes à ses écoliers, et qui seront d’une singulière utilité.

L’année 1667, le public vit paroître au jour quelques-unes de ces dissertations, à la vérité savantes et curieuses, mais conçues en termes vagues et en questions indécises, sans aucune délibération de l’Académie, et sans aucun prétexte positif, ce qui doit à l’avenir en faire le prix. Mais les conférences qui ont été tenues ensuite n’ont pas eu l’avantage d’être imprimées, parce que plusieurs académiciens cessèrent d’écrire leurs discours, s’étant contentés d’en faire de vive voix qui n’ont point été recueillis. D’ailleurs les assemblées furent souvent interrompues, soit que les académiciens se fussent déjà relâchés de leur première ardeur, ou que la plupart fussent occupés aux ouvrages du roi[1]. Mais l’armée 1682, on résolut de les fixer,

  1. On m’a dit que cette discontinuation vint d’une autre raison qui mérite d’être remarquée. Quelques particuliers que les Académiciens avoient introduits par civilité dans leur assemblée, y semèrent des maximes absurdes, tirées de l’école de Lombardie, qui soutient contre l’école de Rome, que, pour former un excellent peintre, il faut plutôt qu’il s’attache à l’économie des couleurs qu’à l’exactitude du dessin. Pour mieux autoriser une si fausse opinion qui porte les peintres à négliger le plus noble de leurs talents, et qui multiplie le nombre imposteur des simples coloristes, ces particuliers venoient puiser dans les conférences de l’Académie les notions et les termes essentiels de l’art, et, par un mauvais usage, les faisoient servir à surprendre les élèves crédules et mal éclairés. Leurs fausses maximes firent d’autant plus de progrès, qu’ils les débitèrent avec chaleur pendant une maladie de M. le Brun, ennemi déclaré de cette erreur.