Page:Conférences de l'Académie royale de peinture et de sculpture.pdf/188

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alors il est naturel que les personnes se séparent en différentes troupes, chacun cherchant à se tirer de la foule pour se joindre avec des gens qui aient les mêmes intérêts ou les mêmes inclinations. De sorte qu’un peintre qui traite de grands sujets doit observer avec soin une judicieuse distribution de figures par groupes.

Il disoit ensuite que l’expression est la troisième partie de la peinture, et qu’elle est exactement observée sur chaque figure de ce tableau. Il faisoit remarquer la figure d’une fille qui est appuyée sur un vase proche du puits. À la considérer, il semble qu’elle blâme Rébecca d’avoir accepté le présent d’un homme inconnu. Mais, là-dessus, M. de Champaigne voulut faire remarquer que M. Poussin avoit imité les proportions et les draperies de cette figure sur les antiques, et qu’il s’en étoit toujours fait une étude servile et particulière. Il s’étoit expliqué d’une manière qui sembloit reprocher à M. Poussin un peu de stérilité et le convaincre d’avoir trop emprunté le secours des anciens, jusqu’à l’accuser de les avoir pillés. Mais dans le temps que M. de Champaigne parloit ainsi, M. le Brun l’avoit interrompu, et, prenant la parole en faveur de M. Poussin, avoit dit que les hommes savants qui travaillent à de mêmes découvertes et qui se proposent un même but peuvent s’accorder et convenir ensemble, sans que les uns ni les autres méritent le titre d’imitateurs ou de plagiaires. De sorte qu’il falloit faire différence entre les concurrents et les copistes et ne pas confondre avec les choses qui sont pillées et contrefaites celles qui d’elles-mêmes sont conformes ; que tous les historiens, qui ont écrit d’original sur un même sujet, n’ont pu s’empêcher de convenir des choses de fait, quoiqu’ils ne se soient jamais consultés ; qu’à leur exemple, M. Poussin ayant étudié et découvert les véritables effets de la nature, à l’envi des habiles gens de l’antiquité, il en avoit fait comme eux un bon choix et un bon usage, et ne pouvoit manquer de se rencontrer avec leurs idées ; que si on ne fait ces distinctions, on aura l’injustice d’accuser tous les grands ouvriers de l’antiquité de s’être copiés l’un l’autre, puisqu’ayant pris la nature et le vrai pour modèles, il a fallu de nécessité qu’ils aient gardé dans leurs figures les mêmes proportions et suivi les mêmes principes ; qu’à la vérité les Grecs ont eu de