Page:Congres education physique Tourcoing 1906.djvu/8

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

AVANT-PROPOS


Le Congrès de Tourcoing a eu beaucoup de mérites divers et pour en faire un éloge approprié et justifié, il suffirait de passer en revue les travaux approfondis, les discussions fécondes dont il a été l’occasion — sans oublier son organisation hâtive et pourtant très complète. Mais puisqu’on me réserve l’honneur de présenter au public, en un court avant-propos, le compte-rendu de ses séances, je veux tenter de mettre en relief une qualité dominante, qui me paraît surpasser de très haut toutes les autres : le Congrès de Tourcoing a été décentralisateur et provincial, non point en la forme seulement par la ville où il s’est tenu, mais dans le fond par l’effort intensément et presque uniquement régional dont il est issu. Voilà une quasi nouveauté ; voilà surtout le gage d’un avenir heureux.

La décentralisation est une doctrine qui paraît avoir chez nous beaucoup de partisans et même dans les milieux les plus opposés. On en parlait déjà sous l’Empire ; sous la République on en radote. Je ne suis pas de ceux qui s’amusent à comparer la stérilité des actes à l’abondance des paroles ; d’abord parce que ce jeu, appliqué à notre propre pays, n’aurait à mon sens rien de joyeux et surtout parce qu’en l’espèce, il serait injuste et inexact de prétendre qu’aucun progrès n’a été realisé. La loi sans doute n’a pas su améliorer la situation, mais les mœurs s’en sont chargées. Il est certain que l’esprit provincial s’est ranimé en bien des points et que la prépondérance déplorable qu’exerçait la capitale sur le reste du pays s’est considérablement atténuée. C’est là un bienfait dont plusieurs générations recueilleront les fruits.

Le sport toutefois a plus ou moins échappé à ce mouvement salutaire. Paris continue de lui distribuer, non pas des mots d’ordre, mais des ordres ; et même des ordres de plus en plus étroits, de plus en plus péremptoires. Sous quel prétexte ? Je me le demande en vérité, car s’il faut un chef, et un chef incontesté, pour exécuter le moindre exercice militaire, l’exercice sportif échappe par essence à cette nécessité. On n’aperçoit pas à l’aube de l’humanité, Abel et Caïn jetant les bases d’une organisation guerrière, mais on les aperçoit fort bien se donnant une petite réunion de sports athlétiques entre eux. Que faut-il pour cela ? Deux hommes dont l’un dit à l’autre : mesurons-nous. Je prétends courir plus vite et plus longtemps, sauter plus haut et plus loin que toi. Voilà le sport. Mais, objecterez-vous, ne doit-on pas le « réglementer ». Et pourquoi donc ? Sans doute quelques règles sont nécessaires à mesure que les concurrents deviennent nombreux. Mais moins il y en aura et plus larges