Page:Conrad - Sous les yeux d'Occident.djvu/126

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Je ne reste jamais, il est vrai, bien longtemps dans le salon ; j’ai toujours quelque chose à faire. La maison n’est pas aussi vaste que celle de la Riviera, mais cela ne m’empêche pas de trouver bien des occasions de me rendre utile. »

À ce moment débouchèrent vers la gauche, près des écuries au mur couvert de lierre, Pierre Ivanovitch et son compagnon. Ils marchaient très lentement et causaient avec animation. Ils s’arrêtèrent un instant et Pierre Ivanovitch se mit à gesticuler, tandis que le jeune homme l’écoutait sans bouger, les bras tombants et la tête légèrement inclinée. Vêtu d’un complet brun sombre, il avait un chapeau noir sur la tête.

Les yeux ronds de la dame de compagnie restaient fixés sur les deux personnages, qui avaient repris leur marche lente.

« C’est un jeune homme extrêmement poli », dit-elle ; « vous verrez le salut qu’il va nous adresser, et qui n’aura rien d’exceptionnel, car il s’incline aussi profondément chaque fois qu’il me rencontre seule dans le vestibule. »

Elle fit quelques pas en avant. Mlle Haldin marchait à côté d’elle, et les choses se passèrent exactement comme sa compagne l’avait prédit. Le jeune homme souleva son chapeau, s’inclina et resta en arrière, tandis que Pierre Ivanovitch s’avançait d’un pas plus rapide. Il tendait en un geste de cordialité ses gros bras noirs et saisit les deux mains de Mlle Haldin. Il les serra en regardant la jeune fille à travers ses lunettes sombres.

« Voilà qui est bien, voilà qui est bien ! » s’écria-t-il, à deux reprises, d’un ton approbateur. « Ainsi vous êtes restée avec… » ; il eut un froncement de sourcils léger pour la dame de compagnie qui caressait toujours son chat. « J’en conclus qu’Éléonore… Mme de S… est occupée. Je sais qu’elle attendait quelqu’un aujourd’hui. Ce journaliste est venu, alors ? Elle est occupée ? »

Pour toute réponse, la dame de compagnie détourna la tête.

« C’est regrettable, très regrettable, vraiment, et je suis fâché que vous ayez… » Il baissa brusquement le ton : « Mais comment ?… vous n’allez pas partir, Natalia Victorovna ? Cette attente vous a paru longue ?… »

« Pas du tout », protesta la jeune fille. « Seulement je suis ici depuis longtemps déjà, et j’ai hâte d’aller retrouver ma mère. »

« Le temps vous a pesé, n’est-ce pas ? J’ai peur que notre digne amie… (Pierre Ivanovitch eut par-dessus l’épaule un geste brusque de la tête), que notre digne amie ne sache pas très bien alléger les