Page:Conscience - Le Lion de Flandre, 1871.djvu/11

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étrange se peignit sur ses traits, expression où la colère se mêlait à la ruse, et si pleine de mystérieuses menaces, que Châtillon se sentit saisi d’une secrète inquiétude.

En ce moment, l’un des chevaliers, présents à cette scène, tourna bride tout à coup et s’éloigna de quelques pas sous les grands arbres, en laissant suffisamment apercevoir un air de déplaisir et de mécontentement.

— Voyons, parle, dit Châtillon en s’adressant au guide, et apprends-moi pourquoi tu nous conduis à travers ces bois, et pourquoi tu ne nous as pas avertis qu’un tronc d’arbre barrait la route ?

— Messire, répondit le Flamand en mauvais français, je ne connais pas d’autre chemin qui mène au château de Wynendael, et j’ignorais que votre seigneurie eût l’habitude de dormir à cheval, et à cette heure.

En prononçant ces mots, le guide laissa échapper un sourire à la fois ironique et hautain. On eût dit qu’il voulait exciter la colère du comte afin de la braver.

— Insolent ! s’écria Châtillon, oses-tu bien te railler de ma personne ! Holà ! mes gens, qu’on me pende ce manant haut et court, et qu’il serve de pâture aux corbeaux !

Le sourire du jeune homme s’accentua davantage, les coins de sa bouche se crispèrent violemment ; il pâlit et rougit tour à tour.