Page:Conscience - Le Lion de Flandre, 1871.djvu/144

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Les dames qui l’accompagnaient déployaient un luxe de toilettes presque aussi riches et presque aussi précieuses que celle de la jeune comtesse.

La reine de Navarre, qui s’avançait à pas lents à la tête du cortége, arrêta les yeux, avec une curiosité mêlée d’étonnement et d’envie, sur ce groupe de femmes si richement parées. Quand elle fut arrivée à une certaine distance, les nobles dames s’avancèrent majestueusement vers elle, et souhaitèrent avec respect la bienvenue aux nouveaux suzerains. Mathilde seule garda le silence et demeura à quelque distance, fixant sur Jeanne un regard plein de hardiesse et de fierté : il lui était impossible de rendre hommage à cette reine, cause de tant de douleurs, et sa figure portait visiblement l’empreinte du déplaisir qu’elle éprouvait. Jeanne ne s’y trompa pas ; elle arrêta son regard hautain sur Mathilde, et prétendit, par ce seul regard, lui faire baisser les yeux ; mais elle fut trompée dans son attente ; la jeune fille soutint fièrement le regard de la reine irritée. Déjà mécontente du luxe déployé par les dames flamandes, Jeanne alors ne put se contenir davantage ; elle fit faire brusquement volte-face à son cheval, et, s’adressant aux seigneurs qui se trouvaient près d’elle et leur montrant, en détournant la tête, toutes les dames réunies :

— En vérité, messires, s’écria-t-elle, je croyais être seule reine en France ; mais il me semble que les Flamands qui remplissent nos prisons sont tous