Page:Conscience - Le Lion de Flandre, 1871.djvu/153

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et c’est assez vous dire la conduite que vous aurez à suivre, si je fais de vous le gouverneur de la Flandre.

— Et, dans ce cas, madame, soyez assurée que vous serez pleinement vengée. Peut-être même irai-je au delà de vos vœux ; car je n’aurai pas seulement à venger votre injure, mais aussi les outrages faits chaque jour à la couronne de France par ce peuple têtu et rebelle.

— Pas de colère, messire de Châtillon, reprit Jeanne en souriant, ne serrez pas tout d’un coup le nœud de la chaîne ; mais ôtez-leur le courage et la force par de lentes et continuelles humiliations. Enlevez-leur peu à peu l’argent qui les pousse à la révolte ; accoutumez-les doucement au joug ; mais quand il en sera temps, faites-le peser si durement sur leurs têtes, que je puisse regarder leur servitude comme un triomphe. Ne vous hâtez pas, messire ; je sais prendre patience, quand la patience doit me conduire au but plus sûrement… Et d’abord, je crois qu’il sera prudent d’ôter à un certain de Coninck le titre de doyen des tisserands, et de ne jamais confier les charges qui donnent de l’influence à d’autres qu’à des Français, ou à leurs amis.

Le sire de Châtillon prêtait une oreille attentive aux conseils de la reine, et admirait, à part lui, l’habile politique de cette femme astucieuse. Comme l’esprit de vengeance le poussait lui-même aux excès de la tyrannie, il se réjouissait, dans son âme, de