Page:Conscience - Le Lion de Flandre, 1871.djvu/173

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coureurs de la tempête, planaient sur la ville. Les portes et les fenêtres se fermaient, et les maisons ne s’ouvraient que pour laisser sortir un citoyen armé. Les chiens nombreux poussaient de lugubres hurlements, comme s’ils eussent compris les cris de détresse qui retentissaient par la cité, et mariaient leurs voix rauques aux clameurs de leurs maîtres, avides de vengeance. Des groupes nombreux stationnaient de toutes parts ; l’un portait une masse d’armes, l’autre un goedendag, un troisième une hache. Au milieu de la foule, les bouchers se faisaient facilement reconnaître à leurs formidables et étincelantes haches d’abattoir. Les forgerons, leurs lourds marteaux sur l’épaule, se rendaient aussi au lieu de réunion, devant la maison des tisserands ; là se trouvaient déjà d’innombrables compagnons des métiers, disposés en rangs, qui grossissaient à chaque minute, et à mesure que de nouveaux amis de la cause du peuple venaient se ranger sous les étendards.

Quand il jugea la foule assez grande, Jean Breydel monta sur une charrette qui se trouvait là par hasard, et commença son discours en faisant tourner sa hache au-dessus de sa tête :

— Gens de Bruges, s’écria-t-il enfin, il y va de la vie et de la liberté ! Nous allons apprendre aux léliards comment se chaussent les Brugeois, et si l’on peut trouver sur leurs corps une livre de chair d’esclave, comme ils le disent. Maître de Coninck est dans les fers ; amis, il faut que notre sang coule pour