Page:Conscience - Le Lion de Flandre, 1871.djvu/182

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tisserands. Il grommela d’une voix rauque quelques paroles inintelligibles, et, se tournant vers ses hommes, il s’écria :

— En avant, bouchers ! en avant !

Prompt comme la foudre, il s’élança, suivi de tous ses hommes, à travers les rangs des tisserands, et tomba sur les cavaliers. Du premier coup de sa hache il fendilla tête d’un cheval, du second il renversa à ses pieds le cavalier : en un instant quatre cadavres furent étendus devant lui. En ce moment il reçut lui-même une légère blessure au bras gauche. La vue de son propre sang le transporta de rage ; sa bouche écuma, il lança un regard terrible au chevalier qui l’avait blessé, et jeta sa hache loin de lui. Puis, se courbant sous la lance de son ennemi, il s’élança d’un bond de tigre sur le cheval, et se cramponna au corps du léliard. Celui-ci ne put résister à la force de Breydel exaspéré ; il chancela et tomba sur le pavé. Pendant ce combat singulier, les bouchers et les autres gens des métiers s’étaient élancés sur leurs ennemis et en avaient jeté un grand nombre par terre. Les combattants luttèrent ainsi longtemps à la même place, et les cadavres d’hommes et de chevaux s’amoncelèrent, et des flots de sang teignirent d’un rouge sombre le pavé de la rue.

Cependant les métiers redoublaient d’ardeur et d’élan. En vain les léliards résistaient de toutes leurs forces ; ils se virent forcés de reculer, et livrèrent passage à leurs ennemis qui purent alors se