Page:Conscience - Le Lion de Flandre, 1871.djvu/204

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pare ; j’ai marché pendant des nuits entières et meurtri mes pieds jusqu’au sang. Souvent j’ai été repoussé, insulté et raillé ; mais que m’importait, j’avais le bonheur de servir mes maîtres légitimes, dans leur infortune. Une larme que la reconnaissance faisait couler sur leurs joues, à mon aspect, était pour moi une récompense que je n’aurais pas échangée contre tout l’or du monde.

— Soyez béni, ô généreux prêtre ! s’écria Adolphe, vous trouverez là-haut votre récompense ; mais, dites-moi, comment se porte monseigneur de Béthune.

— Laissez-moi poursuivre, je vous parlerai de lui plus longuement ; il est dans une tour sombre à Bourges, dans le pays de Berry : son sort pouvait être plus dur, car il est libre de tous liens et de toutes chaînes. Le châtelain commis à sa garde est un vieux soldat qui s’est conduit en chevalier dans la guerre de Sicile, et qui a combattu sous la bannière du Lion Noir ; aussi est-ce plutôt un ami qu’un gardien pour le comte Robert.

Adolphe écoutait avec une curiosité avide ; plusieurs fois des paroles de joie lui vinrent aux lèvres, mais il se contint. Le moine continua :

— Sa prison ne lui serait donc point un séjour insupportable si son cœur ne le transportait ailleurs ; mais il est père, et mille pénibles prévisions le tourmentent. Sa fille est restée en Flandre, et il craint Jeanne, la jalouse et cruelle reine de Navarre, qui persécutera aussi son enfant et la conduira peut-être