Page:Conscience - Le Lion de Flandre, 1871.djvu/268

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loin. Quand il se fut convaincu que son oreille ne le trompait pas, il ramassa sa lance et courut à pas pressés vers son coursier, lui remit son mors en bouche, se plaça en selle et marcha jusque derrière un mur qui devait le cacher. Il était à peine derrière cet abri lorsque d’autres sons parvinrent à son oreille ; à travers le cliquetis des armes et le galop des chevaux, il crut distinguer les plaintes d’une jeune fille. En entendant ces cris le chevalier pâlit sous sa visière ; non de peur, la peur lui était inconnue, mais l’honneur et les devoirs de la chevalerie lui ordonnaient de voler au secours de cette jeune fille ; son cœur magnanime brûlait déjà de sauver une malheureuse, quoique des raisons plus importantes et une promesse sacrée lui défendissent de se faire connaître à personne : c’est ce combat intérieur qui faisait pâlir ses joues. Au bout d’un instant le cortége approcha et les plaintes de la jeune fille devinrent intelligibles pour le chevalier.

— Ô mon père, mon père ! criait-elle sur un ton pitoyable.

À ces accents le chevalier repoussa toutes ses réflexions. Cette voix avait quelque chose d’étrange qui avait profondément remué ses entrailles. Il donna de l’éperon dans le ventre de son coursier, sauta rapidement au-dessus des monceaux de décombres jusque sur la route. Là il vit arriver la troupe à une petite distance : six cavaliers français, sans lances, mais bien armés d’ailleurs, poussaient leurs chevaux