Page:Conscience - Le Lion de Flandre, 1871.djvu/287

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dèrent à grands cris vengeance des Brugeois, il fut impossible de retenir les Français, ils voulaient tout brûler et tout massacrer. Messire de Mortenay fut obligé de les menacer de la mort pour mettre obstacle à leur projet. Vous pouvez bien penser qu’en cette circonstance j’avais réuni mes tisserands et me préparais à une résistance opiniâtre. Peut-être eussions-nous même réussi à chasser les Français, mais ce triomphe nous eût coûté cher, ou nous eût été défavorable, comme je vais vous le démontrer. Je me rendis donc avec un sauf-conduit auprès de messire de Mortenay, et j’obtins de lui qu’il ne causerait aucun dommage à la ville, à condition que nous partirions tous sur-le-champ. Au coucher du soleil, il ferait pendre tous les klauwaerts qui seraient restés dans la ville.

Breydel s’aigrit en entendant raconter si froidement ces conditions par le doyen des tisserands.

— Est-il possible ! s’écria-t-il. Pourquoi avez-vous accepté cela si lâchement ? Vous vous laissez faire comme un troupeau de stupides agneaux. Si j’avais été là, vous n’auriez pas quitté Bruges…

— Oh ! si vous aviez été là ! Savez-vous ce qui se serait passé ? Les rues de Bruges seraient pleines de cadavres et les flammes auraient réduit nos maisons en cendre. Mais, mon fougueux ami Jehan, laissez-moi vous expliquer plus longuement l’état des affaires, et alors vous me donnerez raison, je le sais. Il est certain que la ville de Bruges ne peut pas,