Page:Conscience - Le Lion de Flandre, 1871.djvu/332

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colère sur le renégat, et répondit en souriant amèrement :

— Je pousserais ce cri si je te ressemblais, si je voulais souiller mes cheveux blancs par une lâcheté. Mais non, martyr, je te méprise et te brave jusqu’à la mort. Traître, tu ressembles au serpent qui déchire les entrailles de sa mère ; car tu livres à l’étranger le pays qui t’a donné le jour. Tremble, car j’ai des fils qui me vengeront, et toi non plus, tu ne mourras pas dans ton lit ! Tu sais qu’un homme ne sait pas mentir à sa dernière heure.

Jean de Gistel pâlit en entendant cette solennelle prédiction du vieillard. Il se repentit en ce moment d’avoir voulu se venger, et son cœur se serra sous le poids d’un sombre pressentiment : le traître redoute la mort, comme le messager de la vengeance du Seigneur. Messire de Châtillon avait pu lire sur les traits du klauwaert qu’il restait inébranlable.

— Eh bien, que dit ce rebelle ? demanda-t-il.

— Messire, répondit de Gistel, il m’insulte et dédaigne votre clémence.

— Qu’on le pende ! dit le gouverneur.

Le soudard, qui remplissait l’office de bourreau, saisit par le bras le vieillard, et celui-ci le suivit docilement jusqu’au pied de l’échelle ; il se passa quelques instants encore avant que le nœud fût passé autour de son cou. Il reçut la dernière bénédiction du prêtre, et mit enfin le pied sur l’échelle pour monter au gibet.