Page:Conscience - Le Lion de Flandre, 1871.djvu/337

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

paravant. Une plainte douloureuse, un soupir sinistre comme celui avec lequel la vie s’envole, retentit dans le grenier.

— Ah ! ah ! s’écrièrent les soudards, ils sont sur la trappe !

— Attendez, dit une autre voix, je les aurai bientôt fait déloger, si vous voulez m’aider un peu.

Ils prirent une poutre plus lourde, et unirent leurs efforts pour la soulever ; puis ils la lancèrent avec tant de force contre la trappe que les planches se brisèrent et tombèrent. Des acclamations frénétiques retentirent, l’échelle fut appliquée à l’ouverture et tous montèrent précipitamment. Arrivés à l’entrée du grenier, ils s’arrêtèrent soudain : on eût dit qu’un rare et imposant spectacle avait attendri leurs cœurs, car les blasphèmes et les imprécations moururent sur leurs lèvres, et ils s’entre-regardèrent avec hésitation.

Au fond du grenier, un jeune homme, un enfant, — il n’avait pas plus de quatorze ans, — se tenait debout, une hache à la main, pâle et tremblant ; il dirigeait son arme vers les agresseurs, sans que la moindre parole s’échappât de sa poitrine : dans ses yeux bleus rayonnait un héroïque désespoir. On voyait qu’une profonde émotion l’agitait, car les muscles de ses joues délicates se contractaient convulsivement et donnaient à sa physionomie une effrayante expression : il ressemblait à un marbre grec. Derrière le jeune boucher se trouvaient deux femmes agenouil-