Page:Conscience - Le Lion de Flandre, 1871.djvu/352

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ordre aux compagnons de retourner en ordre à leur travail jusqu’à ce qu’on les appelât aux armes. Bien qu’ils eussent préféré tirer une prompte vengeance du crime, ils n’osèrent pas résister à l’ordre qu’on leur donnait, parce qu’ils savaient que le jeune comte Guy avait investi le doyen des tisserands du commandement en chef ; il regagnèrent le bois en murmurant et se remirent au travail à contre cœur.

Quand les deux doyens furent arrivés dans la tente de Breydel, le doyen des bouchers s’affaissa tout abattu sur un siége, et pencha sa tête appesantie ; il ne parlait pas et regardait de Coninck avec une étrange expression : un sourire, qui faisait mal à voir, crispait ses traits ; on eût dit qu’il se raillait de son propre malheur.

— Mon pauvre ami, dit de Coninck, calmez-vous, au nom de Dieu !

— Me calmer ! me calmer ! répéta Breydel, ne suis-je pas calme ? m’avez-vous jamais vu aussi tranquille ?

— Ô mon ami, reprit le doyen des tisserands, quelle affreuse douleur remplit votre âme ! je vois la mort peinte sur votre visage. Je ne puis vous consoler : votre malheur est trop grand ; je ne sais quel baume peut guérir de telles blessures.

— Moi, dit Breydel, je connais le baume qui peut me guérir, mais l’énergie me manque. Ô ma pauvre mère ! ils ont baigné leurs mains dans ton