Page:Conscience - Le Lion de Flandre, 1871.djvu/353

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sang, parce que ton fils est Flamand, et ce fils, ô malheur ! ce fils est impuissant à te venger !

À cette exclamation, l’expression de son visage changea ; ses dents grincèrent, ses mains étreignirent les pieds de la table comme s’il eût voulu les briser ; cependant il ne tarda pas à redevenir calme et ses traits accusèrent une tristesse plus profonde et plus sentie.

— Maître, dit de Coninck, comportez-vous en homme, et maîtrisez le désespoir, cet ennemi de l’âme ; supportez courageusement les amères douleurs qui vous frappent aujourd’hui, le sang de votre mère sera vengé !

Le terrible sourire qui venait de crisper les lèvres de Breydel reparut.

— Ce sang sera vengé ! répondit-il, comment pouvez-vous promettre si légèrement ce que vous ne pouvez accomplir ? Qui peut me venger ? ce n’est pas vous. Croyez-vous qu’un torrent de sang étranger puisse racheter la vie de ma mère ? Le sang du tyran rend-il la vie à ses victimes ? Non, elles sont mortes, — et pour toujours, pour l’éternité, mon ami ! Je souffrirai en silence et sans me plaindre : rien ne peut me consoler, — nous sommes trop faibles, et nos ennemis sont trop puissants.

De Coninck ne répondit pas aux plaintes de Breydel ; il semblait absorbé par une grave préoccupation ; parfois apparaissait sur sa physionomie une expression qui trahissait l’effort qu’il faisait pour