Page:Conscience - Le Lion de Flandre, 1871.djvu/354

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dissimuler une colère intérieure. Le doyen des bouchers le contemplait avec curiosité dans la pensée qu’il se passait dans l’âme de son prudent ami quelque chose d’extraordinaire. L’expression de colère qui accentuait les traits de de Coninck disparut ; il se leva lentement et dit d’un ton solennel :

— Nos ennemis sont trop puissants, dites-vous ? demain vous ne direz plus cela ; ils ont eu recours à la trahison et à la perfidie ; ils n’ont pas craint de verser le sang innocent, comme s’il n’y avait plus d’ange exterminateur devant le trône du Seigneur ; ils ne savent pas que leur vie à tous est dans mes mains, et que je puis les anéantir, comme si Dieu m’avait délégué sa toute-puissance ; ils cherchent à triompher par la félonie et une infâme cruauté, eh bien, leur propre glaive les anéantira, c’est dit !

En ce moment de Coninck ressemblait à un prophète lançant sur Jérusalem coupable la malédiction du Seigneur ; sa voix avait un accent si indéfinissable, que Breydel écoutait, avec un respect religieux, l’anathème prononcé contre les ennemis de la Flandre.

— Attendez, poursuivit de Coninck, je vais faire appeler l’un des nouveaux venus, afin que nous sachions tout ce qui s’est passé ; ne vous emportez pas en entendant son récit, je vous promets une vengeance que vous-même n’oseriez pas demander : les choses en sont venues si loin, que la résignation et la patience seraient une honte