Page:Conscience - Le Lion de Flandre, 1871.djvu/370

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ces corps immobiles scintillait une brillante étoile, de sorte que le gazon semblait transformé en voûte céleste : mille points lumineux y étaient semés comme à pleines mains ; ces étoiles n’étaient rien autres que les haches sur l’acier poli desquelles se reflétait la rare lumière de la nuit. Plus de deux mille bouchers gisaient sur la terre en rangs et dans la même attitude ; leurs cœurs battaient vivement, et le sang circulait rapide dans leurs veines, car l’heure longtemps désirée, l’heure de la vengeance et de la libération était proche. Le plus grand silence régnait parmi ces hommes, et un effrayant mystère planait comme un voile magique sur le camp muet.

Breydel se trouvait plus avant dans le bois ; un de ses compagnons, qu’il affectionnait particulièrement à cause de son intrépidité, s’était couché à côté de lui sur le sol ; ils s’entretenaient à voix basse et étouffée.

— Les étrangers ne s’attendent pas à cet étrange réveil, disait Breydel ; ils dorment bien, car ils ont la conscience dure, les scélérats. Je suis curieux de voir la grimace qu’ils feront quand ils verront du même coup ma hache et la mort.

— Ma hache coupe comme un rasoir, dit son compagnon, je l’ai aiguisée au point qu’elle coupe un cheveu en deux, et j’espère que cette nuit elle sera bien émoussée, sinon je ne l’aiguiserai plus jamais !

— Les choses en sont venues trop loin, Martin : les Français nous traitent comme un troupeau de