Page:Conscience - Le Lion de Flandre, 1871.djvu/395

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qu’un sentiment, qu’une aspiration ; toutes ses pensées, toutes ses émotions se rattachaient à ce grand mot : la patrie ; intérêts, famille, repos, toutes les préoccupations les plus légitimes furent bannies de son âme généreuse pour n’y laisser place qu’à l’amour du sol où avait régné le Lion de Flandre. Aussi quel homme plus magnanime et plus dévoué y eut-il jamais, que ce Flamand qui exposa cent fois sa vie et sa liberté pour la liberté de son pays ? Quel homme fut doué d’un plus grand et plus noble génie ? À lui seul, malgré les renégats et les léliards qui voulaient vendre le pays de Flandre, il déjoua tous les efforts, toutes les tentatives du roi de France ; lui seul conserva à ses frères un cœur de lion même dans les fers, et prépara lentement par là l’heure de la délivrance.

Les Français le savaient bien ; ils connaissaient celui qui, à chaque instant, brisait les roues de leur char triomphal ; ils eussent bien voulu écarter de leur chemin l’incommode et redoutable surveillant, mais celui-ci avait la prudence du serpent. Il s’était fait un bouclier de ses frères, et l’étranger n’osait toucher à lui ; car un sanglant réveil du peuple l’eût vengé. Tandis que les Français contraignaient toute la Flandre à se courber sous le sceptre de la tyrannie, de Coninck conservait toute sa liberté au milieu de ses concitoyens asservis : il était le maître de ses maîtres, et ceux-ci le redoutaient plus que lui-même ne les craignait.