Page:Conscience - Le Lion de Flandre, 1871.djvu/485

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Brisons-là ce fâcheux entretien, et que chacun songe à faire son devoir.

Il éleva sa coupe d’or et s’écria :

— À l’honneur de la France et à l’extermination des rebelles !

Raoul de Nesle répéta : À l’honneur de la France ! et appuya à dessein sur ces mots. Chacun comprit qu’il ne voulait pas boire à l’extermination des Flamands. Hugues d’Arckel porta la main à la coupe qui se trouvait devant lui, mais il ne la souleva pas de table et ne proféra pas un mot. Tous les autres répétèrent à l’envi les paroles du général et burent à l’anéantissement des Flamands.

Depuis quelques instants, la physionomie de Hugues d’Arckel avait pris une étrange expression : on y lisait le mépris et la colère ; il regardait fixement le comte d’Artois comme s’il eût été sur le point de le défier.

— J’aurais honte, s’écria-t-il tout à coup, de boire encore à l’honneur de la France !

Robert d’Artois rugit de colère ; il frappa la table de sa coupe avec une telle violence que les coupes des autres convives rebondirent.

— Messire d’Arckel, s’écria-t-il, vous allez boire à l’honneur de la France… Je le veux !

— Monseigneur, répondit Hugues avec un calme simulé, je ne bois pas à la dévastation d’un pays chrétien. J’ai longtemps combattu dans toutes les contrées, mais jamais je n’ai rencontré de chevaliers