Page:Conscience - Le Lion de Flandre, 1871.djvu/514

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gens à pied vont si bien faire, qu’ils auront à eux seuls l’honneur de la bataille. S’ils repoussent l’ennemi sans notre aide, que sommes-nous donc venus faire ici, nous, chevaliers ? C’est une honte ! nous sommes-là, comme si nous n’osions combattre.

— Montjoie, Saint-Denis ! s’écria Robert, en avant, connétable, en avant[1] !

À cet ordre, tous les chevaliers, qui formaient le premier détachement, lâchèrent la bride à leurs chevaux et les lancèrent dans une course désordonnée ; chacun voulait arriver le premier, pour porter le coup d’honneur. Emportés par cette course folle et effrénée, ils passèrent sur le corps de leurs arbalétriers, et des centaines d’entre ceux-ci luttaient contre la mort sous les pieds des chevaux qui les écrasaient, tandis que les autres fuyaient le champ de bataille dans toutes les directions. Ainsi les chevaliers réduisirent à néant l’avantage remporté par les leurs, et donnèrent aux frondeurs le temps de reformer leurs rangs.

Il s’élevait, de l’affreuse mêlée, des cris de mort et de détresse que, de loin, on pouvait prendre pour les acclamations d’une armée victorieuse. Les infortunés chevaliers, tombés de selle, et sur lesquels passait

  1. Et ceci arriva le onzième jour du mois de juillet 1302, jour de saint Benoit, vers sept heures du matin. (L’Excellente chronique.)