Page:Conscience - Le Lion de Flandre, 1871.djvu/537

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lut de se comporter comme s’il ne reconnaissait pas le comte de Flandre.

Sur ces entrefaites, les Français entraient en pleine déroute ; les troupes flamandes poussaient vigoureusement l’ennemi qui reculait, et achevaient, à coups de hache et de massue, les chevaliers renversés. Des milliers de chevaux étaient à demi-engloutis dans le sol défoncé, et les cadavres ennemis couvraient le sol, en si grande quantité, que les combattants ne luttaient plus sur l’herbe, mais sur un lit de morts et de tronçons d’armes. Le ruisseau de Groningue avait disparu, et les cadavres qui l’encombraient ne formaient plus qu’un monceau avec ceux qui gisaient sur les bords ; on eût pu reconnaître son cours à ses eaux ensanglantées, mais partout le sang formait de larges flaques. Les gémissements des mourants, les plaintes des blessés étouffés sous la terrible pression de la mêlée, les acclamations des Flamands victorieux, se confondaient en un tumulte affreux auquel contribuaient le son éclatant des trompettes, le cliquetis retentissant des épées sur les armures, le hennissement douloureux et épouvanté des chevaux étreints par la vase : un volcan qui éclate et déchire les entrailles de la terre, en laissant échapper de son sein les foudres qui le gonflaient, peut seul donner une idée de cette épouvantable confusion de bruits plus effrayants les uns que les autres. On eût dit que la dernière heure du monde était venue.