Page:Conscience - Le Lion de Flandre, 1871.djvu/8

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il était facile de lire sur ses traits que la société, à laquelle il servait de guide, ne lui était agréable sous aucun rapport ; on pouvait même s’apercevoir qu’un dessein secret s’agitait dans son cœur ; de temps en temps il jetait un regard oblique sur les chevaliers qui le suivaient. Sa haute taille, et sa constitution herculéenne, malgré son extrême jeunesse, attiraient sur lui une sorte d’admiration mêlée de terreur ; il marchait d’un pas ferme, et si rapide, que les chevaux avaient peine à le suivre.

Le cortége chevauchait ainsi depuis quelques instants à travers la forêt, lorsque la monture d’un des chevaliers trébucha tout à coup contre un tronc d’arbre renversé sur la route, et s’abattit. La poitrine du cavalier toucha le cou du cheval et la secousse fut si forte qu’il faillit vider les arçons.

— Que veut dire ceci, s’écria-t-il en français. Je crois que mon cheval s’est endormi tout en marchant.

— Messire de Châtillon, répliqua son compagnon en riant, l’un de vous dormait en effet !…

— Ris à ton aise, mauvais plaisant, reprit le comte de Châtillon ; il n’en est pas moins vrai que je ne dormais pas. Depuis deux heures, j’ai les yeux fixés sur ces tours ensorcelées, qui semblent s’éloigner à mesure que nous devrions en approcher ; mais on serait hissé à la potence que l’on n’obtiendrait pas de toi une bonne parole.

Pendant que les deux chevaliers échangeaient entre eux ces plaisanteries, leurs compagnons s’égayaient