Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/19

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s’assurer, s’il ne s’y trouvait pas quelque pauvre famille à elle inconnue jusque-là.

II


Dans une chambre de la maison devant laquelle la bienfaisante Anna s’était arrêtée un instant, habitait en effet une famille infortunée. Quatre murs nus y étaient les seuls et muets témoins de souffrances et de douleurs inouïes, et la vue du déchirant spectacle qui s’y montrait, remplissait le cœur non-seulement de tristesse, mais aussi d’un certain sentiment de haine contre la société. L’air y était aussi froid que dans la rue et une humidité glaciale y pénétrait à travers les vêtements : dans le foyer brûlait un maigre feu, alimenté par des débris de meubles que léchaient de temps à temps des flammes tremblottantes. Un enfant malade âgé d’un an à peine, était couché dans un lit placé au milieu de la chambre ; son visage blême, ses petits bras amaigris, ses yeux enfoncés dans l’orbite faisaient présumer avec raison que la pauvre créature irait bientôt réclamer une place au Stuivenberg[1]. Assise sur une lourde pierre auprès de l’enfant, une femme encore jeune cachait ses yeux sous ses mains. Ses vêtements, bien que formés d’étoffes dont le temps avait altéré la couleur, ne portaient pas le cachet de cette indigence qui implore ouvertement l’assistance ; au contraire, une exquise propreté et de nombreuses mais presque imperceptibles reprises attestaient le soin avec lequel cette femme s’efforçait de dissimuler sa misère.

  1. Cimetière d’Anvers.