Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/390

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vêtements si misérables et si usés qu’on était saisi à sa vue d’un frisson glacial. Son visage, quoique flétri, portait un cachet de gravité et d’intelligence, et avait dans l’expression quelque chose de noble et de courageux qui témoignait assez que cette femme n’était pas née pour mendier.

Une petite fille se suspendait à sa main, et les dents de l’enfant claquaient de froid.

Sans dire mot et les yeux baissés, la mère continua à réciter le Pater noster commencé derrière la porte.

Jeannette lui apporta le morceau de pain en disant :

— Pauvre Catherine ! je n’aurais jamais pensé que vous dussiez un jour demander l’aumône. Vous, si sage, si laborieuse ! Cela me fait peine…

— L’hiver est si long, dit la veuve en soupirant ; il n’y a pas d’ouvrage pour moi, Jeannette… La faim me chasse hors de chez moi ; mais en été, quand il y aura à travailler, cela ira mieux.

Pendant ce temps la pauvre petite fille attachait sur la table ses yeux brillants de l’éclair de la faim, et ses lèvres s’humectaient de convoitise.

Cécile contemplait cette scène avec une profonde pitié. Tout à coup, comme si une idée soudaine eût traversé son esprit, elle fixa un regard singulier sur les yeux de Barthélemy. Et, soit que celui-ci l’eût comprise ou qu’il suivît l’impulsion de son propre cœur, il alla à la pauvre veuve, la prit par la main et la conduisit à la chaise qu’il venait de quitter.

— Asseyez-vous, bonne Catherine, dit-il, et dînez avec nous… Où il y a pour cinq, il y a pour sept… et