Page:Constant - Adolphe.djvu/124

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tion de nous séparer, j’avais senti que je ne pouvais être heureux sans elle ; que je voulais lui consacrer ma vie et nous unir par tous les genres de liens. Sa reconnaissance fut d’abord extrême, mais elle démêla bientôt des contradictions dans mon récit. À force d’instances, elle m’arracha la vérité ; sa joie disparut, sa figure se couvrit d’un sombre nuage. Adolphe, me dit-elle, vous vous trompez sur vous-même ; vous êtes généreux, vous vous dévouez à moi parce que je suis persécutée ; vous croyez avoir de l’amour, et vous n’avez que de la pitié. Pourquoi prononça-t-elle ces mots funestes ? pourquoi me révéla-t-elle un secret que je voulais ignorer ? Je m’efforçai de la rassurer, j’y parvins peut-être ; mais la vérité avait traversé mon âme ; le mouvement était détruit ; j’étais déterminé dans mon sacrifice, mais je n’en étais pas plus heureux ; et déjà il y avait en moi une pensée que de nouveau j’étais réduit à cacher.