Page:Constant - Adolphe.djvu/263

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versel ; et il est difficile de lire l’ouvrage de Schiller, dans sa langue originale, sans partager cet enthousiasme. Mais en France, je ne crois pas que ce caractère eût obtenu l’approbation du public. L’admiration dont il est l’objet chez les Allemands tient à leur manière de considérer l’amour, et cette manière est très-différente de la nôtre. Nous n’envisageons l’amour que comme une passion de la même nature que toutes les passions humaines, c’est-à-dire ayant pour effet d’égarer notre raison, ayant pour but de nous procurer des jouissances. Les Allemands voient dans l’amour quelque chose de religieux, de sacré, une émanation de la divinité même, un accomplissement de la destinée de l’homme sur cette terre, un lien mystérieux et tout-puissant entre deux âmes qui ne peuvent exister que l’une pour l’autre. Sous le premier point de vue, l’amour est commun à l’homme et aux animaux ; sous le second, il est commun à l’homme et à Dieu.