Page:Constant - Adolphe.djvu/82

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d’autant plus en garde contre sa faiblesse, qu’elle était poursuivie du souvenir de ses fautes : et mon imagination, mes désirs, une théorie de fatuité dont je ne m’apercevais pas moi-même, se révoltaient contre un tel amour. Toujours timide, souvent irrité, je me plaignais, je m’emportais, j’accablais Ellénore de reproches. Plus d’une fois elle forma le projet de briser un lien qui ne répandait sur sa vie que de l’inquiétude et du trouble ; plus d’une fois je l’apaisai par mes supplications, mes désaveux et mes pleurs.

Ellénore, lui écrivais-je un jour, vous ne savez pas tout ce que je souffre. Près de vous, loin de vous, je suis également malheureux. Pendant les heures qui nous séparent, j’erre au hasard, courbé sous le fardeau d’une existence que je ne sais comment supporter. La société m’importune, la solitude m’accable. Ces indifférents qui m’observent, qui ne connaissent rien de ce qui m’occupe, qui me regardent avec une curiosité sans intérêt, avec